Depuis Graine de violence (1955), les films illustrant le corps enseignant sont légion. Qu’ils nous fassent rire ou pleurer, on a de la compassion pour ces instituteurs dont la patience et la vocation sont mises au banc d'essai chaque jour de cours. A l’occasion de la sortie de Detachment le 1er février, tour d’horizon des vingt profs les plus mémorables.
Le plus dépressif
Henry Barthes dans DETACHMENT de Tony Kaye (2012)
Adrien Brody broie du noir dans la peau de Henry Barthes. Prof remplaçant dans un lycée difficile, il tente tant bien que mal de garder le contrôle de la classe en adoptant une attitude détachée mais deux jeunes filles tout aussi déprimées que lui viennent tout chambouler. Après le racisme avec American History X (1998) et l’avortement avec Lake of Fire (2006), Tony Kaye aborde l’éducation. Avec Detachment, il dresse le portrait d’un système éducatif laissé à l’abandon par un Etat tout aussi démissionnaire que les parents. Le réalisateur tape du poing et fait mieux qu’un rapport pondu par une obscure commission.
La plus trash
Elisabeth Halsey dans BAD TEACHER de Jake Kasdan (2010)
Dans Bad Teacher, Cameron Diaz est une enseignante irrévérencieuse et je m’enfoutiste qui préfère passer des DVD à ses élèves plutôt que leur faire cours. Mais une fois larguée par son riche fiancé, elle est obligée de reprendre ce métier qu’elle exècre. Du moins en attendant de se refaire les seins et de séduire son nouveau love interest (Justin Timberlake étonnement tordu et repoussant). Malheureusement, comme tout bonne comédie US qui se respecte, Bad Teacher délaisse le genre potache pour un happy end traditionnel. Dommage car Cameron Diaz, reine du juron, excellait dans l’art du trash.
La plus à bout
Sonia Bergerac dans LA JOURNEE DE LA JUPE de Jean-Paul Lilienfeld (2009)
Dans La journée de la jupe, Isabelle Adjani incarne Sonia Bergerac une prof excédée qui récupère le pistolet d’un de ses élèves et finit par les retenir en otage. Ou la mise en joue comme nouvelle méthode d’éducation. Pour son retour sur grand écran, l’actrice obtient le César de la meilleure actrice. Son cinquième. Pourtant ce petit film polémique dont personne ne voulait était uniquement destiné à la télé. Lors de sa diffusion sur Arte, il réunit plus de 2,2 millions de téléspectateurs (une des plus fortes audiences de l'histoire de la chaîne). Un succès qui permit d’avancer sa sortie en salles.
Le plus réaliste
François Marin dans ENTRE LES MURS de Laurent Cantet (2008)
Palme d’Or au Festival de Cannes 2008, Entre les murs narre l’année scolaire d’un prof de français passionné qui se heurte à des élèves démotivés. Contrôles, conseils de classe, rencontres parents-professeurs… rien n’est oublié. Les joutes verbales entre élèves à la tchatche infatigable et prof passé pro en matière de répartie non plus. Après Ressources humaines (1999) où il s’intéressait aux relations patron-salarié, Laurent Cantet continue dans le cinéma social en traitant cette fois-ci de l’éducation. Aidé par François Bégaudeau dont il adapte le roman (celui-ci est réellement prof en dehors des plateaux), et une bande de jeunes acteurs amateurs tous confondant de naturel, Cantet signe un film ultra-réaliste proche du documentaire.
Le plus toxico
Half Nelson dans HALF NELSON de Ryan Fleck (2007)
Initialement, le Half Nelson est une position de combat qui permet d’immobiliser son adversaire. C’est aussi le nom d’un prof d’histoire accro au crack et à la dialectique qui s’est mis en tête de sauver ses élèves voués à l’échec. A moins que l’une d’entre elles ne le sauve d’abord. Après un passage très remarqué aux Festivals de Deauville et de Sundance, Half Nelson lance définitivement Ryan Gosling (Danny Balint, N’oublie jamais, Drive…) déjà auréolé d’une jolie réputation dans la cour des grands.
Le plus bourru
William Forrester dans A LA RENCONTRE DE FORRESTER de Gus Van Sant (2001)
Fan de basket et écrivain prometteur, Jamal traîne sa peine et ses rêves dans le Bronx jusqu’à sa rencontre avec William Forrester. L’ado se lie d’amitié avec ce grand écrivain solitaire primé il y a des années pour son premier et unique roman et affine son écriture. Directement inspiré de J. D. Salinger qui n’écrivit qu’un seul roman (L’attrape Cœurs) avant de se retirer de la vie publique, William Forrester (Sean Connery) incarne un professeur bougon que le jeune de banlieue bien décidé à réussir parviendra à attendrir et à faire sortir de sa tanière.
Le plus magique
Severus Rogue dans HARRY POTTER (2001-2011)
Cheveux gras, mine d’enterrement, inquiétant… Severus Rogue (Alan Rickman) fait de Harry sa bête noire dès son arrivée. Enfin ça, c’est que J.K. Rowling veut bien nous laisser penser… Car sous ses airs inquiétants, le spécialiste des potions magiques est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Harry a beau le détester, le public adore ce prof aigri, ravagé par un amour passé. Ce n’est pas sans raison que Rogue ait été sacré personnage préféré des lecteurs de la saga par un sondage réalisé par la maison d’édition du jeune sorcier (Harry ne se place que quatrième).
Le plus excessif
Kitano dans BATTLE ROYALE de Kinji Fukasaku (2000)
Dans un futur proche, le Japon décide de remettre à sa place la jeune génération devenue trop insolente. L’Etat met en place la loi « Battle Royale ». Chaque année une classe de troisième est tirée au sort pour aller s’entretuer sur une petite île isolée. Critique indirecte du système éducatif japonais prônant l’élitisme, Battle Royale traite également du rapport entre la jeunesse et ses aînés. Dans ce film d’anticipation adapté du best-seller homonyme de Koshun Takami, Takeshi Kitano interprète un prof tortionnaire pour qui la pédagogie est risible et la persécution nettement plus efficace. Le choc de l’année 2000.
La plus bitchy
Eve Tingle dans MRS TINGLE de Kevin Williamson (1999)
Mrs Tingle terrorise sa meilleure élève qui a besoin de la note maximale en histoire. Accusée de tricherie avec ses amis, cette dernière se rend chez sa prof afin de lui prouver leur innocence mais l’explication vire vite à la persécution. Pour sa première réalisation, Kevin Williamson, scénariste des Scream et autres Souviens-toi l’été dernier retourne sur les bancs de l’école mais délaisse le teen movie horrifique pour un huis clos angoissant entre une prof sadique et ses élèves qui voudraient bien lui donner une bonne leçon. Dans le rôle de l’élève tortionnaire, Katie Holmes prend un malin plaisir à quitter les habits de la gentille et naïve Joey (Dawson) pour incarner une première de la classe aux dents longues. Quant à Helen Mirren alors encore méconnue, elle nous ferait presque regretter le plus tyrannique de nos profs.
Le plus remonté
Trevor Garfield dans 187 : CODE MEURTRE de Kevin Reynolds (1997)
187 : nombre qui se réfère à la section 187 du code pénal californien et définit l’homicide. Les gangs américains l’utilisent pour parler de meurtre. Dans 187 : code meurtre, Trevor Garfield (Samuel L. Jackson) hérite d’un poste de prof de biologie dans un lycée difficile après avoir été agressé à l’arme blanche par un de ses élèves quelques mois plus tôt. Le cauchemar recommence aussitôt mais Garfield n’a pas l’intention de se laisser faire. Bien remonté, l’ancien prof pacifique penche désormais du côté de la loi du Talion. Film coup de poing sur la violence scolaire, 187 : code meurtre nous entraîne dans une avalanche de colère où les élèves n’hésitent pas à familiariser leur prof avec la roulette russe.
Le plus martial
Jonathan Shale dans THE SUBSTITUTE de Robert Mandel (1996)
Juan Lacas (Marc Anthony) agresse sa prof en plein jogging matinal. Une mauvaise idée de la part du délinquant. Le compagnon de la victime Jonathan Shale (Tom Berenger), ancien militaire, décide de se faire passer pour son remplaçant. Autant Marc Anthony n’est pas une seconde crédible en chef de gang, autant Tom Berenger vous ferait marcher au pas dans la seconde. A son arrivée, ça ne moufte plus dans ce lycée où les dealers font la loi. Les élèves deviennent de vrais petits soldats dociles et appliquent à la lettre le credo de leur nouveau prof : « L’échec n’est pas une option ».
La plus obstinée
Louanne Johnson dans ESPRITS REBELLES de John N. Smith (1995)
Basé sur l’autobiographie de LouAnne Johnson, My Posse Don’t Do Homework, Esprits rebelles est le succès surprise de l’année 1995. LouAnne Johnson quitte l’armée pour le monde de l’enseignement mais se heurte à une bande de gamins difficiles. D’abord déconcertée, elle parvient à gagner leur confiance. Touchant malgré une bonne dose de clichés, Esprits rebelles devient un vrai phénomène aidé par une bande son devenue culte. Gangsta’ Paradise de Coolio (où ce dernier reprend le refrain de Pastime Paradise de Stevie Wonder) est le single le plus vendu cette année là. Une série télévisée dérivée sera produite l’année suivante (elle sera annulée au bout de 17 épisodes).
Le plus passionné
John Keating dans LE CERCLE DES POETES DISPARUS de Peter Weir (1992)
Ce n’est pas au son du rock’n’roll mais avec quelques poésies que John Keating (Robbie Williams) initie toute une classe du lycée privé de Welton à l’anticonformisme. Pour ces jeunes coincés entre traditions austères et parents trop sévères, la poésie a un goût de révolution. Basé sur les souvenirs de collège du scénariste Tom Schulman (Oscar du meilleur scénario original), Le cercle des poètes disparus nous fait regretter de ne pas avoir eu un prof bondissant sur les tables criant « Carpe Diem » à la volée. Robbie Williams qui remplace Liam Neeson initialement pressenti a certainement déclenché quelques vocations.
La plus musicale
Deloris Van Cartier aka Soeur Mary Clarence dans SISTER ACT 2 de Bill Duke (1992)
Alors que sa carrière décolle à Las Vegas, Deloris Van Cartier (Whoopi Goldberg) est rappelée par la mère Supérieure pour reprendre l’identité de Sœur Mary Clarence. Objectif : sauver l’école où les Sœurs sont devenues enseignantes. Deloris transforme sa classe de musique en chorale. Laminé par la critique (on ne voit quasiment plus les sœurs et la BO est beaucoup moins entrainante), Sister Act 2 est même légèrement frustrant. Imaginez qu’à la place des cours de flûtes, nos profs (les vrais) nous aient fait chanter du gospel…
Le plus policier
John Kimble dans UN FLIC A LA MATERNELLE de Ivan Reitman (1990)
Vous craignez pour vos enfants ? John Kimble sera prendre soin de votre progéniture. Policier infiltré pour convaincre une mère d’élève de témoigner contre un dangereux baron de la drogue, l’interprète de Terminator est d’abord dépassé puis vite attendri par sa classe de petits en danger. Entre deux films d’actions, Arnold Schwarzenegger entend prouver que sous ses muscles se cache un grand sens de l’humour. Danny de Vito et Bill Murray ont été approchés pour le rôle mais avouons que cela aurait été beaucoup moins drôle.
Le plus baroudeur
Indiana Jones dans LA SAGA de Steven Spielberg (à partir de 1981)
Ses cours d’archéologie ont beau faire partie des plus prisés, Indiana Jones (Harrison Ford) est trop aventurier pour s’enterrer à la fac. D’ailleurs il exhorte souvent ses étudiants à lâcher leurs bouquins pour partir sur le terrain. Et pour éviter de se faire renvoyer pour absentéisme, il déniche de vieilles reliques aux quatre coins du globe pour contribuer à la renommée de son université. L’historien le plus sexy du cinéma a de qui tenir. Son paternel, Henri Jones (Sean Connery), a beau préféré les livres au terrain, il n’en est pas moins un archéologue émérite et tout aussi séducteur que son fils.
Le plus drôle
Gérard Barbier dans LE MAÎTRE D’ECOLE de Claude Berri (1981)
Vendeur de vêtements, Gérard Barbier se fait renvoyer pour avoir défendu un enfant qui avait volé une paire de bottes. Il décide de se reconvertir dans l’enseignement mais ce nouveau poste n’est pas de tout repos pour le prof inexpérimenté. Sous couvert d’une comédie, le film de Berri (tirée du roman Mémoires d’un éducateur de Jules Celma qui laissait ses élèves faire ce qu’ils voulaient) parle de la difficulté d’enseigner. En plus de devoir gérer sa collègue dépressive et contrôler sa classe d’agités, Le maître d’école (le tribun populaire Coluche endosse le costume de cet instit’ sympathique) doit aussi éviter de perdre ses élèves lors d’une sortie en forêt. Raté !
Le plus rédempteur
Mark Thackeray dans LES ANGES AUX POINGS SERRES de James Clavell (1967)
Médiocre est l’élève qui ne dépasse pas le maître. Après avoir joué l’ado perturbateur dans Graine de violence, Sidney Poitier joue à son tour les profs idéalistes. Basé sur le roman semi-autobiographique de E. R. Braithwaite (Le chahut en français, 1959), To Sir With Love (en anglais) est méconnu en France mais une institution outre-manche. Outre sa chanson phare qui devient un tube (le single de la chanteuse Lulu sera le plus vendu de l’année 1967), le réalisateur James Clavell y parle de la révolution sexuelle et sociale de son époque.
Le plus scandaleux
Jean Doucet dans LES RISQUES DU METIER d’André Cayatte (1967)
Le film aurait aussi bien pu être titré La rumeur. Comme celle qui détruit la vie d’un innocent prof. Pour son premier rôle au cinéma, le chanteur Jacques Brel frappe fort. Accusé de gestes inappropriés par l’une de ses élèves, l’instit Jean Doucet a beau clamer avoir été piégé, tout le village se retourne contre lui. Tiré du roman homonyme de Jean et Simone Cornec (1962), Les risques du métier aborde l’épineuse question de la pédophilie au sein du corps enseignant. Mais la vérité sort-elle vraiment de la bouche des enfants ?
Le plus précurseur
Richard Dadier dans GRAINE DE VIOLENCE de Richard Brooks (1955)
Graine de violence a aujourd’hui 57 ans d’âge et est pourtant toujours troublant d’actualité. Basé sur le roman Blackboard Jungle d’Evan Hunter, le film met en scène un prof (Glenn Ford) qui tente de remettre sur le droit chemin ses élèves issus de quartiers défavorisés (parmi eux, le jeune et encore inconnu Sidney Poitier). A sa sortie, Graine de violence provoque une véritable petite révolution. Outre le portrait d’une classe d’ados à problèmes, il devient rapidement culte par son sujet et sa BO. Rock around the Clock de Bill Haley and his Comets qui introduit le film devient un tube. Blackboard Jungle provoque des émeutes partout où il est diffusé, certains saccagent des fauteuils quand d’autres dansent dans les allées des salles de ciné. La Rock’N’Roll attitude est définitivement en marche.
2 commentaires:
Très bonne chronique je dois dire. Vous m’avez impressionné avec votre article. Je suis tout à fait d’accord avec votre top 20. Dites-moi, où trouvez-vous vos films ? Les miens je les trouve sur http://www.megavod.fr. Je vous demande ça, car si vous faites tant de chroniques, c’est que des films vous devez en regarder beaucoup.
Bonjour,
Je ne les trouve nul part en particulier. Ces films je les ai vu au fur et à mesure de ma vie. Et je farfouille un peu partout sur le net à la recherche de films correspondant au thème que je travaille pour établir un top que je juge adéquate. C'est sur que j'en regarde beaucoup (trop peut être...).
En tout cas merci de me lire.
Cordialement
Tiffany
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