mercredi 30 novembre 2011

3D : un simple effet de mode ?

Annoncé comme une révolution il y a deux ans, la 3D ne serait-elle finalement qu’un gadget bientôt passé de mode ? Retour sur une technique qui fait débat.

Des prix trop excessifs ?


Selon un sondage réalisé par le Film Français* : 82% de spectateurs français trouve injustifiée la hausse du coût d’un ticket de cinéma. Le mécontentement approche 92% quand le prix excède la somme de 11 euros. Mais le budget d’un film réalisé en 3D est beaucoup plus élevé qu’un autre en 2D. Une hausse de 3 euros pourrait donc être légitime. Seulement la plus grande majorité des films ne sont pas tournés en 3D mais sortent tout de même en relief grâce à une conversion 3D effectuée après le tournage, en postproduction (ex: Alice au pays des merveilles, Harry Potter et les reliques de la mort). Une manière économique et opportuniste de surfer sur la mode de la 3D pour se faire de l’argent ? Sûrement quand on apprend de la bouche d’un producteur (souhaitant restant anonyme) qu’une paire ne vaudrait pas plus de 50 cents.

L’épineuse question des lunettes


Près de 20% des personnes supportent mal les images en relief**. De plus, 5% à 15% qui percevraient mal ou pas du tout la 3D. La 3D représenterait-elle un danger par nos yeux ? Selon le Dr Jean-Antoine Bernard, directeur administratif et scientifique de la Société Française d’Ophtalmologie (SFO), il n’existe aucun danger. Si on ressent un trouble voir des maux de tête, ce n’est pas la 3D qui est à remettre en cause mais notre vue elle-même : « Pour restituer le relief de la 3D, le cerveau exagère l’écart entre les deux yeux. Il suffit que les yeux souffrent d’un défaut méconnu pour qu’ils se retrouvent incommodés mais des yeux dont la vue serait parfaite ou bien corrigée ne peuvent en aucun cas être gênés ». L’ophtalmologiste ajoute : « La 3D n’est pas plus dangereuse que de regarder la télé pendant plusieurs heures. Elle n’entraînera pas plus de dégâts qu’une fatigue visuelle. De plus, il n’existe aucune preuve que la 3D soit un danger pour la vue ». Dans ce sens, le relief pourrait même servir de révélateur. Selon l'Association américaine d'optométrie (AOA), la 3D permettrait de dépister des troubles de la vue et donc de faciliter le travail des ophtalmologistes. Pourtant le ministère de l’Education nationale qui souhaiterait introduire le relief dans l’enseignement scolaire pilote actuellement un programme destiné à cerner les problèmes liés à la 3D.

Un gadget, outil d’opportunisme ?


Depuis deux ans, on ne parle que de la 3D pourtant la technique est loin d’être nouvelle. Le relief est né avec la photographie. Il est quasiment plus ancien que le cinéma. Dans les années 1950, Alfred Hitchcock avait même réalisé Le crime était presque parfait en 3D. Mais la mode n’a pas duré et les réalisateurs sont retournés vers des procédés plus conventionnels. On pourrait alors penser que la 3D n’est qu’un gadget technique voué à disparaître de nouveau. Mais depuis le succès hors norme d’Avatar (avec des recettes historiques, estimées à 2,7 milliards de dollars, le film obtient le titre du « plus gros succès cinématographique de tous les temps à travers le monde »), les films d’action en 3D sont légion. Même Disney a décidé de ressortir certains de ses plus grands classiques en relief. Pour le producteur Jean-Jacques Benhamou (dont la société MacGuff s’est notamment occupée des effets visuels des récents L’ordre et la morale, Un heureux évènement, ou encore Colombiana), la 3D bénéficiera d’une place privilégiée tant que les films à gros budgets existeront : « Les machines étant de plus en plus innovantes, je ne vois pas ce qui pourrait arrêter la 3D. Tout n’est qu’une question d’argent ». Un argument confirmée par le rédacteur en chef ciné du site Premiere.fr Gaël Golhen : « La 3D est un élément massif du cinéma qui évolue de plus en plus vers l’entertainment. Elle permet de revenir aux racines mêmes du cinéma : le spectacle ». Pourtant certains films à grand spectacle n’ont pas fait recette. Doté d'un budget estimé à près de 400 millions de dollars, Pirates des Caraïbes : la Fontaine de Jouvence n’a enregistré que 90 millions de dollars de recettes le premier week-end de sa sortie aux Etats-Unis, soit quasiment deux mois moins que le précédent volet. Toy Story 3 ou Shrek 4 ont eux rapporté moins d’argent en 3D qu’en 2D. Les spectateurs seraient-ils déjà lassés ? Le quotidien New York Times nuance ce constat dans son édition du 29 mai 2011. Pour le journal américain, cette série d’échecs n’est pas liée au déclin de la 3D mais plutôt à une mauvaise stratégie adoptée par les studios. Le journaliste Gaël Golhen approuve : « Le public ne se lasse pas de la technique mais de son utilisation opportuniste. Quand elle devient un pur argument commercial comme avec le Choc des titans non pas filmé en 3D mais converti en postproduction, le public cesse de s’y intéresser ».

La désaffection des réalisateurs


Mêmes les réalisateurs font de la résistance. Malgré les propos dithyrambiques de James Cameron (« La 3D est un nouvel outil pour le cinéma, comme le furent en leur temps le son et la couleur ». Rien que ça !), plusieurs metteurs en scène de renom ont remis en question l’intérêt de la 3D. Durant le Comic-Con, le rendez-vous annuel de la culture pop qui s'est déroulé du 22 au 25 juillet dernier à San Diego, J. J. Abrams (Star Trek, Super 8… réalisés en 2D) a déclaré : « Avec les lunettes 3D, tout devient terne ». Le producteur Jean-Jacques Bénhamou explique cette rébellion par le système hollywoodien : « Les réalisateurs subissent la pression des studios qui eux-mêmes subissent le diktat des distributeurs ». Gaël Golhen de Premiere.fr est plus nuancé : « On n’en est encore qu’aux balbutiements de la 3D. C’est une des causes du désamour de certains réalisateurs pour la 3D qui attendent les moyens nécessaires pour l’utiliser correctement ». En attendant, même Steven Spielberg dont le dernier film Les aventures de Tintin : les aventures de la licorne est partiellement en 3D reste dubitatif. Dans une interview***, le cinéaste déclarait : « Quand un film en 3D est bon, on oublie la 3D. L'image de synthèse, la 3D, la performance capture, l'animation, ce sont des outils. Ils ne sont pas là pour améliorer l'histoire, les personnages ou le ton d'un film, mais pour améliorer l'expérience du spectateur ».

*(auprès d’un échantillon de 11 867 répondants, âgés de 15 à 64 ans et interrogés entre le 15 juin et le 8 juillet 2011)
**Selon une étude menée par le Figaro en octobre dernier.
***Publiée dans l’édition du Figaro du 8 octobre 2011

Source : Elle.fr

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