mardi 29 mars 2011

SUCKER PUNCH ***


Sortie : 30 mars 2011
De : Zack Snyder
Avec : Emily Browning, Vanessa Hudgens, Abbie Cornish, Jena Malone, Jamie Chung, Carla Gugino, Scott Glenn, Jon Hamm…


Girl Power

« Un film d’évasion au sens propre comme au sens figuré ». C’est ainsi que Zack Snyder décrit Sucker Punch. Après la mort de sa mère et de sa petite sœur, Babydoll est placée par son beau-père en hôpital psychiatrique. Sur place, elle se lie à quatre autres jeunes filles. Ensemble, elles décident de s’échapper. Une quête de liberté fantasmée qui laisse place à un délire visuel détonnant.
Inception sort de ce film ! Snyder est clairement influencé par l’œuvre de Christopher Nolan. Si Babydoll atterrit dans un asile, il est vite remplacé par un cabaret au terme d'une superbe intro. Mais la prison dorée dans laquelle elle s’imagine évoluer, laisse rapidement place à un monde entièrement dévasté par la guerre. C’est dans cet univers, nourri par l’imagination de la jeune fille, qu’elle et ses nouvelles amies, doivent récupérer cinq objets indispensables à leur libération. Leur épopée n’est alors plus qu’un prétexte pour une série de batailles épiques, rythmées par une bande son aussi rageuse que le film*. La première d’entre elles, est certainement la plus impressionnante. Emily Browning qui met la pâtée à trois samouraïs géants, ça vaut le coup d’œil. Même les agaçants ralentis, dont Snyder adore nous abreuver à chacune de ses réalisations, enchantent. Loin de tuer l’action dans l’œuf, comme sur Watchmen ou 300, elles mettent en valeur l’ardeur des filles au combat.
Seul petit hic, à force d’effets spéciaux, on se croirait dans un jeu vidéo. Référence que Snyder ne renie d’ailleurs pas. Il dit avoir construit le film sur cette base, chaque objet trouvé permettant de passer au niveau suivant. L’idée se tient mais devient vite lassante. C’est là que le film bascule. Sans rompre avec l’action qui nous a initialement attiré en salle, on découvre un Zack Snyder féministe dans l’âme.
Ses actrices mangiesques ont beau se battre en petite tenue à l’aide de robots kawai (c’est fou ce qu’Emily Browning peut faire penser à Sailormoon), le film fait la part belle à l’émancipation des femmes. Forcées à se prostituer, séquestrées par des hommes misogynes, elles tentent de se libérer de cette oppression, avec les moyens du bord.
Snyder lie alors action et morale, aidé par un casting plutôt saisissant. Pendant que Vanessa Hudgens et Jaimie Chung font presque de la figuration, Emily Browning est promue, premier rôle avec Babydoll (Sucker Punch est son premier gros film depuis Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire). Si elle assure les scènes musclées, la jeune actrice peroxydée pour l’occasion, est moins crédible côté émotion. A son arc, on comptera une mono-expression. A côté de Jena Malone et d’Abbie Cornish, difficile de faire le poids. Les deux actrices, qui incarnent deux sœurs, sont les plus expérimentées des cinq et visiblement les plus talentueuses.
Malone retrouve le devant de l’écran après quelques sombres seconds rôles immérités. Elle est épatante dans le rôle de Rocket toujours enthousiaste et pleine d’espoir. Cornish est, elle, Sweet Pea, la grande sœur, lucide et protectrice, mais aussi pleine de colère et de ressentiment refoulés. Gracieuse dans Bright Star, elle est le pilier de Sucker Punch, elle est habitée de cette force qui apporte au film une toute autre dimension. Elle pique la vedette à toutes ses copines.
Sucker Punch, première oeuvre originale pour le cinéaste, n’est pas le meilleur film de tous les temps, mais à ce jour, le plus intéressant de Snyder. Cet été, celui-ci travaillera sur une nouvelle adaptation. Le reboot de Superman. On compte sur lui pour faire mieux que le très raté Superman Returns. Espérons également que Christopher Nolan (à la production) fasse adopter à son collègue, un style un poil plus nuancé.

*L'intro du film s'ouvre sur une reprise acoustique et onirique de Sweet Dreams d'Eurythmics. Un cover exécuté par Emily Browning, elle-même. Elle chante d'ailleurs deux autres chansons sur la bande originale du film. La jeune actrice n'est pas la seule à avoir prêté sa voix. Carla Gugino et Oscar Isaac interprètent un duo pour l'occasion.

samedi 12 mars 2011

TRUE GRIT ****



Sortie : 23 février 2011
De : Ethan et Joël Coen
Avec : Jeff Bridges, Matt Damon, Hailee Steinfeld, Josh Brolin, Barry Pepper...

Roman-feuilleton en 1968 puis roman à part entière, True Grit de Charles Portis, est adapté pour la seconde fois au cinéma. En 1969, Henry Hathaway en tournait une première version avec John Wayne dans le rôle-titre, 100 dollars pour un shérif. 1870. Mattie Ross a 14 ans, elle vient de perdre son père. Il a été abattu pour deux pièces d’or par son employé, Tom Chaney. Le tueur, réfugié en territoire indien, Mattie engage le marshall, Rooster Cogburn, pour le traquer. C’est un alcoolique notoire mais il est connu pour ne jamais rien lâcher. Chaney étant déjà recherché par le texas ranger, Labeouf, ils décident tous trois de joindre leurs forces pour le retrouver. 
Depuis qu’il a remporté l’Oscar du meilleur acteur pour Crazy Heart, Jeff Bridges renoue avec le succès. Toujours présent sur les écrans mais absent sur les affiches, il retrouve un regain de notoriété bien mérité. Un second come-back qui rappelle le premier (l’acteur réapparaissait sur le devant de la scène en 1998 avec The Big Lebowski. Déjà des frères Coen). Le mois dernier, on ne voyait que lui dans Tron Legacy. Aujourd’hui, il relève le défi de succéder à John Wayne. Si ce dernier remporta le seul Oscar de sa carrière pour ce rôle, Bridges a raté de peu son deuxième. Peu importe. Nul besoin d’une quelconque récompense pour noter qu’il incarne à la perfection, le cow-boy le plus bourru et le plus attachant, de l’histoire du western. On aimerait tous pouvoir compter sur un Rooster Cogburn, véritable père de substitution pour Mattie Ross. La véritable héroïne de True Grit est brillamment interprétée par Hailee Steinfeld. Pour un premier rôle au cinéma, c'est une révélation. Du haut de ses 14 ans, elle tient la dragée haute à plus expérimenté qu'elle. Très coquette en réalité, elle n’a pas eu peur d’abandonner tout apparat pour jouer l’insolente et culottée, Mattie. Matt Damon vient, quant à lui, compléter le trio. Il est étonnant dans la peau de Laboeuf. Débarrassé de son image de gendre parfait, et délivré de Jason Bourne, l’acteur trouve un rôle à sa mesure. Meilleur ennemi de Cogburn, et de Mattie, il leur devient vite indispensable. Comme à nous. 
Les frères Coen sont loin des comédies noires et burlesques qui ont fait leur succès. Mais très à l’aise, ils réalisent le meilleur western depuis Impitoyable (Clint Eastwood, 1992) et leur meilleur film, tout court. Les cow-boys chevauchant à tout rompre dans le désert, les longues et froides nuits au coin du feu, les colts qui détonent, le bandit sale et puant qui crache et menace… Tout y est. Ou presque. Ne manquait plus qu’un virevoltant pour parfaire le décor. Seul défaut constaté, ce saut dans le temps final, inutile. Une ellipse sans laquelle True Grit, aurait été de toute beauté.


vendredi 4 mars 2011

NEVER LET ME GO ***

Sortie : 2 mars 2011
De : Mark Romanek
Avec : Carey Mulligan, Keira Knightley, Andrew Garfield, Charlotte Rampling, Sally Hawkins, Isobel Meikle-Small, Charlie Rowe, Ella Purnell…

Kathy, Ruth et Tommy passent toute leur enfance à Hailsham, un pensionnat réputé, mais très particulier. Devenus jeunes adultes, ils découvrent qu’ils sont des clones, conçus afin de faire don de leurs organes.

« Meilleur roman de la décennie », « L’un des meilleurs romans modernes jamais écrits »… Faisons confiance au très sérieux Time magazine pour se donner une idée de l’oeuvre de Kazuo Ishiguro. « Never Let Me Go » (« Auprès de moi toujours » en français) n’est pas le premier roman de l’écrivain porté à l’écran. « Les vestiges du jour » avait été adapté au cinéma par James Ivory en 1993 avec Emma Thompson et Anthony Hopkins dans les rôles principaux.
Certains comparent l’adaptation de « Never Let Me Go » à « The Island ». Le film de Michael Bay, étant sorti en 2005, tout comme le roman d’Ishiguro, difficile de dire qui s’est inspiré de qui. Peu importe. Le thème du clonage habite les deux histoires, mais le traitement diffère. Quand « The Island » n’est qu’un blockbuster de plus, sans âme, et très oubliable, « Never Let Me Go » se révèle beaucoup plus subtile.
Fidèle au livre, Mark Romanek (« Photo Obsession », 2002) adopte le même angle que l’écrivain. Le clonage n’est en aucun cas le thème principal de l’histoire. Il n’est qu’un prétexte pour mieux aborder la valeur de la vie humaine et l’indifférence de la société qui grandit vis à vis d’elle. Ishiguro dit lui-même que son histoire traite avant tout de l’amitié, de l’amour et de ce que vous choisissez de faire du temps qui vous est imparti.
Keira Knightley et Andrew Garfield sont merveilleux mais Carey Mulligan les surpasse. Après « Une éducation », elle confirme qu’elle est une future grande.
Les acteurs, qui interprètent leurs personnages plus jeunes, sont également formidables et physiquement très ressemblants.
La réussite du film doit d’ailleurs beaucoup au talent des comédiens. L’histoire est en effet déjà vue et convenue. Le spectateur, à l’instar de Kathy, Ruth et Tommy, est résigné. Peu d’espoir émerge de ce monde parallèle où tout le monde se contente de suivre la destinée qui lui a été choisie. Le but de Ishiguro et Romanek étaient de faire réfléchir le public. Objectif atteint. On ressort la tête pleine de questions : pourquoi ne se rebellent-ils pas contre le système ? Pourquoi ne s’enfuient-ils pas ? Un tel système pourrait-il un jour exister? Ruth se plaint de son sort, Tommy a l’espoir, à la toute fin de s’en libérer, mais jamais ils ne passent aux actes. La dure réalité les rattrape. Seule Kathy ne nourrit pas d’espoir vain.
Seul réel défaut du film, l’accumulation de cartes postales de la verte campagne anglaise. On finit par se lasser de tant de clichés. Ces images tristes et poétiques sont censées nourrir la mélancolie qui habite « Never Let Me Go ». Mais celle déployée, par les acteurs, suffisait amplement.


Never let me go (interprété par Judy Bridgewater. Voix de Jane Monheit)